RHESSI étudie les éruptions solaires en rayons X

 

Cette page est en cours d'écriture et complétée régulièrement ces jours-ci. N'hésitez pas à revenir, et à me laisser un message si vous avez des remarques, des questions...

 

 

 

 

Le télescope RHESSI, pour Reuven Ramaty High Energy Solar Spectroscopic Imager, est un satellite permettant d'obtenir des spectres et des images de très haute résolution des éruptions solaires.

 

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Image 1 : Vue d'artiste du télescope RHESSI (Crédit : NASA)

 

Lancé en 2002, le but scientifique de RHESSI est l'étude de l'accélération des particules dans les éruptions solaires, ainsi que la libération impulsive d'énergie qui a lieu lors de ces évènements.

 

logo hessi rhessi.jpgEn effet, le Soleil est un laboratoire prévilégié de ces phénomènes, de part sa proximité, et de la quantité de phénomènes éruptifs qui s'y déroulent.

 

Il a été lancé le 5 février 2002, et orbite autour de la Terre à 600 km d'altitude. Il effectue une révolution en environ 90 mn. Du fait de sa révolution autour de la Terre, il existe des intervalles de temps pendant lesquels il ne peut pas observer le Soleil. Ces périodes sont appelées "nuits" et ne sont pas exploitées par les astrophysiciens.

 

Le satellite est suivi depuis Berklet, et il transmet ses données avec une antenne de 11 mètres. Toutes les données et les logiciels sont produits gratuitement et mis à disposition de la communauté scientifique immédiatement après leur réception/création.

 

Logo HESSI : le nom du satellite était initialement HESSI, et a été rebaptisé après sa mise en orbite en hommage à Reuven Ramaty, un des fondateurs de l'équipe HESSI, décédé en 2001.

 

rhessi_orbit.jpg

Image 2 : l'orbite de RHESSI.

Atlitude : 600 km / Inclinaison : 38° / Rotation sur lui-même stabilisée à 15 tours par minutes /

Période de l'orbite : 96.68 minutes / Nombre de gigabits de données transmises toutes les 24 heures : 8.7

 

 

Les objectifs scientifiques

 

Etude de l'accélération des électrons

 

Une partie des électrons libres accélérés lors des éruptions solaires subissent des collisions avec les éléments du plasma ambiant (l'atmosphère du Soleil). Un rayonnement de freinage (Bremsstrahlung) est alors émis dans le domaine des rayons X dur (c'est à dire des photons dont l'énergie est supérieure à 20 keV) et le continuum gamma.

Ce rayonnement est la signature de la phase impulsive d'une éruption solaire.

 

Le RHESSI réalise un spectre de haute définition du rayonnement de X dur. Ce spectre de photons peut être directement inversé analytiquement, pour retrouver le spectre détaillé des électrons à l'origine de ce rayonnement de photons. Ces informations permettent ensuite de tester des modèles théoriques qui tentent d'expliquer les éruptions solaires.

 

prodxray.gif

La production de rayons X dur dans les éruptions solaires :

l'électron accéléré est dévié lorsqu'il passe près d'un proton (et freiné) : il émet des rayons X

 

Etude de l'accélération des ions

 

Il y a également des ions qui sont accélérés lors d'une éruption solaire, et ces ions subissent différents traitements responsables de rayonnements.

Les collisions avec le milieu ambiant produit un spectre très riche dans le domaine gamma. La desexcitation de ces ions et la collision avec différents éléments (carbone, et noyaux plus lourds) produisent des raies plutôt fines (larges de quelques feV à environ 100 keV)

La collision de ces ions avec des noyaux d'hydrogène et l'annihilation des positrons sont responsables de raies émises aux énergies respectives de 2.223 MeV et 0.511 MeV.

 

RHESSI permet la première réalisation à haute résolution des ces spectres de raies pour les éruptions solaires.

En particulier, la raie d'annihilation des positrons permet de connaître la densité et la température du milieu ambiant (car les positrons ralentissent avec leur annihilation) : ces données sont très importantes pour mieux appréhender les rayonnements étudiés.

 

prodgamaProduction de rayons gamma dans les éruptions solaires :

un proton accéléré collisionne un noyau lourd (de carbone sur le schéma) ;

le noyau de carbone absorbe de l'énergie du proton et s'excite, alors que le proton est diffusé ;

le noyau de carbone se désexcite en émettant des rayons gamma à la longueur d'onde caractéristique du carbone

 

 

L'instrument

 

Le RHESSI est donc constitué de trois parties :

- Le système d'imagerie : il permet de faire des images des éruptions solaires, en haute résolution, dans le domaine des rayons X

- Le spectromètre : réalise des spectres de haute résolution en rayons X dur et rayons gamma

- Le IDPU (Instrument Data Processing Unit), qui contient l'électronique, et stocke les données avant de les envoyer sur Terre

 

 

Le spectromètre

 

Les détecteurs

 

Le spectromètre de RHESSI est comporte 9 détecteurs au germanium refroidis à 75 K. Ce sont des semi-conducteurs. Ces détecteurs ont une forme bien particulière.

En effet, ils sont séparés électroniquement en deux segments : le segment avant, long d'environ 1 cm, et le segment arrière, long d'environ 7 cm. Ces deux détecteurs ne détectent pas les mêmes rayonnements : le détecteur avant détecte les photons d'énergie comprise entre 3 et 250 keV, alors que les photons les plus énergétiques traversent le premier détecteur sans être stoppés, et sont détectés par le segment arrière, qui détecte les rayonnements de 250 keV à 17 MeV.

 

detectors

 

Les 9 détecteurs de germanium montés sur leur support

 

 

 

Lorsqu'un photon énergétique arrive sur le détecteur, il y créé une paire électron-trou (en perdant son énergie). En présence d'un champ électrique fort (environ 1000 V/cm), l'électron et le trou sont chacun poussés vers une étectrode. Un courant est alors créé. Ce courant a une intensité proportionnelle à l'énergie du photon incident. La mesure de ce courant (qui est sous forme d'une impulsion de courant) permet donc de connaitre l'énergie du photon qui vient d'être arrèté par le détecteur.

 


 

Le cryostat

 

Afin de refroidir les détecteurs à 75 K, ils sont placés au sein d'un cryostat, qui est une machine thermique fonctionnant selon le cycle de Stirling.

 

Le problème du bruit

 

Dans toute mesure expérimentale, on trouve du bruit. Ce bruit peut être de plusieurs nature, et peut être plus ou moins important. On trouve dans un détecteur, un bruit de fond, un bruit quantique et un bruit thermique.

Le bruit de fond est propre au détecteur. Le bruit quantique augmente avec l'énergie hν des photons captés, et le bruit termique augmente avec la température T.

Dans l'expérience RHESSI, on travaille à basse température (T=75 K), et avec des photons de haute énergie (supérieure à 100 keV en général). Le rapport hν/(kT) >> 1 (avec k la constante de Boltzmann, qui vaut 1,38.10-23 kg.m².s-2K-1).

Dans ce cas, le bruit quantique domine par rapport au bruit thermique. Dans l'expérience RHESSI, on prend donc en compte le bruit thermique.

Le bruit quantique suit la statistique de Poisson.

 

Soit N le nombre de coups reçus par le détecteur. On montre que, dans le cas des détecteurs de RHESSI, le rapport signal sur bruit S/B est proportionnel à la racine carré de N.

Il est donc intéressant d'augmenter le nombre de coups, pour que le signal soit plus important que le bruit, et donc détectable.

Or, le nombre de coups reçu sur un intervalle de temps augmente si l'intervalle de temps augmente également. Un moyen d'augmenter le nombre de coups est donc d'augmenter les intervalles de temps sur lesquels on observe un signal. Cependant, on est tout de même limité, car les éruptions solaires ne durent pas indéfiniment, et certaines peuvent être très rapides !

Il faut donc trouver un compromis !

 

Analyse spectrale des données

 

RHESSI fournit donc un spectre de coups par canaux du spectromètre. On veut en déduire le spectre de photons par intervalles d'énergie qui sont arrivés sur les détecteurs. Il faut tout un travail d'analyse spectrale pour y parvenir.

Il y a plusieurs problèmes à prendre en compte :

 

Le "deadtime"

 

Lorsqu'un photon arrive, créé un courant dans le détecteur, les données de son heure d'arrivée et de son énergie sont stockée. Pendant le temps de stockage, le satellite ne fonctionne pas (les récepteurs). Bien sûr, ce temps est minime, mais lorsqu'une grande quantité de photons arrive (lors d'une éruption importante par exemple), ce "temps mort" (deadtime en anglais) peut s'allonger considérablement, et les détecteurs fonctionnent alors beaucoup moins.

Par opposition, on nomme "livetime" la durée pendant laquelle les détecteurs sont effectivement opérationnels.

 

Le pileup

 

La chaine électronique derrière les détecteurs est équivalente à un système RC. Un photon = un pulse.

Lorsqu'il y a peu de photons qui arrivent au cours du temps, cela ne pose pas de problème.

Cependant, lors d'une éruption importante, beaucoup de photons arrivent sur des temps très courts. La superposition des pulses donne un signal appelé le pulse pileup : on ne sait plus combien de photons arrivents ni leur heure d'arrivée avec exactitude.

C'est donc un effet que l'on cherche à réduire.

 

La matrice de réponse

 

La correspondance entre le nombre de coups et les photons qui arrivent sur les détecteurs est non-linéaire. On doit donc utiliser une matrice de calibrage.

La matrice n'est pas diagonale, surtout aux hautes énergies ou les composantes non-diagonales ne sont pas négligeables.

 

L'intégrale du photopic = la surface efficace de détection.

La largeur à mi-hauteur = résolution spectrale

 

Il est très difficile d'inverser cette matrice lorsqu'il y a du bruit. En pratique, il y a toujours du bruit. Ainsi, la méthode utilisée pour remonter l'information avec RHESSI est la méthode du Forward Fitting : on élabore des modèles, que l'on va tester : on élabore les signaux qu'ils auraient générés dans l'instrument RHESSI, pour les comparer avec les signaux mesurés réellement. Cela permet donc de tester des modèles, mais pas de remonter jusqu'à la distribution des électrons accélérés à l'origine du rayonnement directement.

 

 


 

Le système d'imagerie

 

Je détaille en particulier cet instrument, qui réalise la prouesse de réaliser des images en rayons X de haute résolution !

 

Réaliser des images à partir du rayonnement visible est difficile : en effet, on ne peut pas faire converger des rayons X par des lentilles, ou les faire réléchir sur des miroirs : ils sont trop énergétiques.

De plus, l'atmosphère terrestre bloque les rayons X (et heureusement, car ils sont nocifs pour les êtres vivants !).

Il était donc nécessaire de développer une technologie permettant d'obtenir une bonne résolution, mais étant assez petite et légère pour être mise en orbite.

 

Le RHESSI observe les rayons X dur et les rayons gamma dont l'énergie varie de 3 keV à 17 MeV. Sa résolution spatiale peut monter jusqu'à 2.3 secondes d'arc. Sa résolution temporelle est d'environ 2 secondes, et sa résolution énergétique est d'environ 1 keV.

 

Le système d'imagerie est basé sur la rotation de 9 collimateurs, qui modulent le flux de photons au cours du temps.

Chaque collimateur est composé de deux grilles placés devant un détecteur de rayons X et gamma.

Il existe donc 9 paires de grilles, placées devant 9 détecteurs...

 

grid7A. RHESSI.jpgImage 3 : la grille n° 7

 

Les grilles sont composées de lamelles (constituées dans un matériau opaque aux rayons X et gamma), séparés par des espaces (fentes). Les lamelles et les fentes ont toutes la même taille.

Une grille est donc caractérisée par son pas p, qui est la longueur d'une fente + une lame (ie deux fois la longueur d'une fente ou d'une lame).

 

 

 

 

mounted_grid-psi RHESSI.jpg

Les grilles sont placées sur deux plateaux identiques, qui sont montés aux deux extrémités d'un tube, de manière à ce que les deux grilles d'une paire soient séparées par la longueur L=1.55 mètres.

 

Image 4 : le tube avec au bout, le premier plateau, supportant les neuf premières grilles.

 


 

RHESSI tube imageur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Image 5 : schéma du système des 9 collimateurs

 

 

 

Tout cela est bien beau, me direz-vous, mais en quoi ce système permet-il de faire des images ?

 

Tout est du à la rotation du satellite sur lui-même.

En effet, RHESSI effectue une rotation sur lui-même : il met environ 4 secondes pour faire un tour sur lui même. Du coup, les collimateurs tournent avec le satellite !

 

Or, selon la direction du photon ou rayonnement incident, le rayonnement arrive sur une fente ou une lame de la première grille, et de même pour la deuxième grille. Lorsqu'un photon arrive, on peut donc réduire la zone d'où il peut venir sur le Soleil.

 

collimator imager RHESSI.gif

Image 6 : schéma illustrant un collimateur (paire de grille + détecteur)

 

Comme les grilles tournent, on peut réduire à chaque fois la zone de provenance du photon, jusqu'à déterminer d'où il vient avec une certaines précision !

 

Voilà un schéma qui illustre le fonctionnement :

Grid_parameters_RHESSI_Imager.gif

Image 7 : schéma illustrant l'arrivée d'un photon avec une direction d'incidence (en rouge) sur un collimateur, qui traverse la première et la deuxième grille et arrive sur le détecteur.

La transmission à travers la paire de grilles dépend de l'angle d'incidence.

 

Les 9 grilles ont 9 pas différents, qui varient de 34 µm (grille n°1) à 2.75 mm (grille n°9).

Comme les fentes et les lames ont la même longueur, le flux de photons modulé par une grille varie de 50% à 100% en intensité.

La résolution d'une grille est, par définition, p/2L, avec p : le pas des grilles, et L la distance qui sépare les deux grilles d'une paire (d'un collimateur).

On a donc une résolution qui varie de 2.3 arcseconde (pour la grille n°1) à environ 3 minutes d'arc.

Cela veut dire que les sources diffuses plus larges que 3 minutes d'arc ne pourront pas être mises sous forme d'image.

Plus un source est large, et moins elle sera modulée par les petites grilles. On peut donc évaluer la taille d'une source par ce moyen.

 

L562 7lg

Le taux de coups dans chaque détecteur lors d'une rotation (4 secondes) :

durant les 4 secondes, le signal est modulé temporellement.

On voit bien ici que le premier collimateur a une résolution bien plus fine que le dernier !

 

Le moment d'arrivée et l'énergie de chaque photon qui arrive sur un détecteur est enregistré. On peut donc ensuite reconstituer la direction d'incidence de chaque photon, et donc connaître leur localisation sur la surface du Soleil !

 

Ce système permet donc d'évaluer la localisation de chaque photon, en fonction du temps !

Comme il faut au moins un demi-tour du satellite pour avoir une information précise sur la localisation, et que ce demi-tour dure 2 secondes, on ne peut pas suivre l'évolution d'évènements plus rapides que 2 secondes. C'est pour cela qu'on dit que la résolution temporelle de RHESSI est de 2 secondes.

 

figure5.jpg

 

 

 

 

Sources :

 

The Reuven Ramaty High-Energy Solar Spectroscopic Imager (RHESSI) - Mission Description and Early Results, Robert P. Lin, Brian R. Dennis and Arnold O. Benz (Eds.); Kluwer Academic Publishers

 

Le site officiel du RHESSI (en anglais) d'où sont tirées les images 3, 6 et 7

La partie dédiée au RHESSI (en anglais) du site de Berkeley, d'où sont tirées les images 2, 4 et le logo.

 

L'image 1 vient du site de la NASA, les autres images sont originales.

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